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Des Rafale à surveiller en Serbie

L’avion de combat multirôle Rafale, construit par la firme Dassault Aviation, remporte enfin le succès escompté à l’étranger. Il pèse lourd dans les exportations d’armement françaises, qui ont hissé la France à la deuxième place mondiale par la valeur de ses exportations, selon le dernier rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, publié en mars. Loin derrière les Etats-Unis, mais désormais devant la Russie.
Le carnet de commandes de Dassault Aviation est si bien rempli que le constructeur peine à suivre la demande. Le dernier contrat a été annoncé en grande pompe jeudi 29 août à Belgrade, où le président Emmanuel Macron avait fait le déplacement, abandonnant vingt-quatre heures sa recherche d’un premier ministre, pour assister à la signature de la vente à la Serbie de douze Rafale, pour un montant proche de 3 milliards d’euros.
Si le succès commercial de cette opération, en gestation depuis la vente de douze autres modèles il y a trois ans à la Croatie, voisine de la Serbie et rivale régionale, est indéniable, sa dimension diplomatique est, elle, beaucoup plus controversée. Depuis le début, le projet est jugé sensible, à juste titre, en raison des liens qu’entretient la Serbie avec la Russie de Vladimir Poutine.
Candidate à l’Union européenne (UE), la Serbie n’applique pas les sanctions décidées par les Européens à l’égard de Moscou après l’invasion de l’Ukraine ; contrairement aux compagnies aériennes de l’UE, Air Serbia continue de desservir Moscou. Belgrade a par ailleurs commandé des hélicoptères de combat et des batteries de défense antiaérienne à la Russie et à la Chine.
L’Elysée défend précisément l’argumentation opposée pour justifier la vente des Rafale, qu’elle voit comme un moyen d’« arrimer la Serbie à l’Europe », au lieu de la laisser dériver dans une zone grise que Moscou et Pékin mettent à profit pour exercer leur influence. L’acquisition des Rafale pour remplacer la flotte serbe d’avions russes Mig-29 fatigués marque un « changement stratégique », « historique et important », a plaidé jeudi le président de la République ; il est convaincu que « le club Rafale », au sein duquel la Serbie rejoint la Grèce et la Croatie, peut au contraire « participer à la paix en Europe » et favoriser l’intégration régionale.
Personne ne contestera le bénéfice pour la France et l’Europe de l’équipement de l’aviation serbe en appareils français plutôt que russes – ou même américains. Une telle vente implique un lien prolongé avec le pays producteur, pour des questions de formation, d’entretien et de fourniture de pièces de rechange. Mais il faut espérer que toutes les précautions ont été prises pour garantir la protection de la technologie et du savoir-faire impliqués dans les Rafale dans un pays où les ressortissants russes ont quartier libre et où les producteurs chinois et russes de défense antiaérienne pourront vérifier à loisir leur efficacité.
Enfin, le moteur le plus puissant de l’intégration de la Serbie dans le giron européen ne se trouve pas sous le cockpit des Rafale, si performants soient-ils. Les principaux obstacles à ce rapprochement sont le nationalisme et la gestion autocratique de son pays par le président Aleksandar Vucic, qui muselle la presse, maltraite les opposants et alimente l’agitation au Kosovo, dont il refuse l’indépendance. De tout cela, le président Macron n’a malheureusement pas dit mot, jeudi, à Belgrade.
Le Monde

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